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L'apprentissage du français en Grèce

Francophonie

Jusqu'au milieu du 20e siècle, le français avait la côte. Il était la première langue étrangère apprise par les Grecs. Mais depuis, la langue de Molière a cédé la place à l'anglais. En entrant le 27 novembre dernier dans l'Organisation Internationale de francophonie, la Grèce s'engage à promouvoir le français et le plurilinguisme. L'occasion est donnée à Info-Grèce de faire le point sur l'apprentissage du français en Grèce.

L'enseignement public

Selon le ministère de l'Education nationale, 83% des élèves apprennent aujourd'hui le français au collège. Depuis 1993, l'apprentissage d'une seconde langue vivante est obligatoire au gymnasio (collège). Pour cette seconde langue, les élèves ont le choix entre le français et l'allemand. L'anglais est quant à lui obligatoire dès le primaire. Toutefois, arrivés au lycée, les élèves ne sont plus que 23 % à poursuivre l'apprentissage du français (dont 13 % en matière générale, 10 % en matière optionnelle). L'association grecque des professeurs de français constate que dans les faits la grande majorité des élèves n'apprennent le français que pendant les 3 années obligatoires du collège, tandis que 10 années sont consacrées à l'anglais.

Quelques chiffres :

  • 9% des Grecs sont francophones selon Eurobaromètre
  • 70.000 modules du DELF (diplôme d'étude de la langue française) passés chaque année, ce qui implique 30 à 40.000 Grecs.
  • 83 % des élèves au gymnasio (collège) apprennent le français (ministère de l'éducation)
  • 23 % des élèves au lykeio (lycée) apprennent le français (chiffres du ministère de l'éducation)
  • 9000 étudiants apprennent le français à l'université
  • 2600 étudiants grecs vont étudier en France chaque année
  • 7800 frontistiera (cours privés collectifs de langue étrangère) en Grèce

Le 22 novembre, dans le cadre de l'entrée de la Grèce dans la francophonie, Mme Giannakou, la ministre de l'éducation nationale et des cultes, a annoncé un allongement de l'enseignement de la seconde langue vivante : elle sera enseignée dès le primaire, aux 4 e et 5 e classes du Démotiko. Toutefois, il s'agit du transfert d'une heure du collège et non de la création d'une heure d'enseignement supplémentaire. « A raison d'une heure par semaine, il s'agit plus d'une sensibilisation que d'une réelle initiation au français » fait remarquer Vasso Vatamidou, présidente de l'association des professeurs de langues et littératures françaises de la Grèce du nord. « Cette heure était beaucoup plus utile au collège qu'au primaire » proteste-t-elle. Car l'allongement de la durée de l'enseignement du français, s'accompagne d'une réduction du nombre d'heures enseignées au collège. L'enseignement de la seconde langue vivante va passer de 3 heures à 2 heures de cours par semaine, afin de renforcer le cours de grec ancien. La ministre justifie cette décision par le fait que « les enfants doivent d'abord apprendre leur langue et d'où ils viennent. » Pour apaiser les esprits, Mme Giannakou a promis de défendre le projet de rendre obligatoire la seconde langue vivante au lycée.

Au primaire comme au collège, le cours de langue a un surnom : « i ora tou paidiou », l'heure de l'enfant. Despoina, une élève en seconde année de gymnasio témoigne : « Au collège, je n'aime pas le cours de français, parce qu'on n'avance pas dans les leçons. Les élèves prennent le cours comme une récréation, ils jouent et font du bruit. » Olivier Delhaye, professeur à l'université de Thessalonique confirme. Tous ses élèves qui souhaitent un jour enseigner le français, visent le privé. « Et surtout pas le public où les profs sont malmenés par les élèves ».

Interrogée sur le sujet par Info-Grèce, Mme Giannakou lance un appel à la responsabilité des parents et des élèves : « L'objectif est d'avoir une bonne école publique où l'enfant peut apprendre parfaitement la langue grecque ancienne et moderne et deux langues étrangères. Il est temps qu'élèves et parents prennent en compte ces heures de langue au sérieux. Tous les programmes européens se basent aujourd'hui sur le multilinguisme. »

L'enseignement privé

D'une manière générale, les langues pâtissent du fait qu'elles ne comptent pas dans le concours d'entrée à l'université, tandis que l'« apolytirio » qui sanctionne la fin des études secondaires n'a pas le poids du bac qui, lui, donne en même temps l'accès à l'enseignement supérieur. Cela a pour conséquence le fleurissement de cours privés, les fameux « frontistiria », tellement entrés dans les habitudes des familles que, même pour les langues, à raison de plusieurs heures par semaine et sur plusieurs années, elle vont y dépenser des fortunes, pour acquérir un niveau qui sera rarement utilisé par la suite dans les situations professionnelles alors que le niveau proposé par l'enseignement public est le plus souvent suffisant. Cependant, les lycéens se concentrent sur le renforcement des disciplines « fondamentales » en délaissant les langues. Les parents grecs eux-mêmes considèrent que l'apprentissage des langues étrangères doit s'arrêter à la fin du gymnasio, c'est à dire à 15 ans. C'est d'ailleurs l'âge auquel les enfants s'arrêtent de fréquenter les frontistiria de langue.

Dans les faits, les Grecs apprennent les langues étrangères en dehors du système scolaire public. La Grèce compte 7800 frontistiera (écoles privées de langue étrangère). Le moindre village en est pourvu. Ne faisant pas confiance au système public, et dans un pays où la langue étrangère est réputée utile, du cadre d'entreprise au serveur d'une taverne sur la côte, les parents – riches ou pauvres - dépensent des fortunes pour que leurs enfants suivent des cours privés. Une année d'enseignement coûte très cher : à partir de 270 € dans les petites classes (4 h de français par semaine) et à partir 800 € pour les élèves préparant le certificat.

Obsession pour les diplômes

Généralement, les élèves consacrent 5 ans au français. Ils commencent l'apprentissage vers 10 ans et s'arrêtent à l'entrée du lycée. Beaucoup visent l'obtention du DELF, le diplôme d'étude de langues, délivré par l'éducation nationale française dans le monde entier. L'obtention de ce diplôme en devient une véritable obsession. « Ola gia to ptyheio » : tout pour le diplôme disent-ils. Résultat, la Grèce est le pays qui compte le plus grands nombre de possesseurs du DELF, un quart du total mondial ! 30 à 40.000 Grecs passeraient chaque année les modules du DELF.

L'enseignement institutionnel français

La fermeture des annexes de l'institut a fait couler beaucoup d'encre. En 2000-2001, le dispositif d'enseignement du français par les Instituts français d'Athènes et de Thessalonique a considérablement été réduit. Trente annexes ont été fermées. Le nombre d'élèves a été fondu, passant de 25.000 à 2.000.

Bruno Delaye, Ambassadeur de France en Grèce : créer dans la société civile grecque une demande pour le français

Bruno Delaye

Depuis 1987, l'apprentissage de l'anglais est obligatoire. Est-ce que cela a eu des conséquence négatives sur le français ?

Impossible de dire le contraire ! Un moins grand nombre d'élèves se tournent naturellement vers l'apprentissage du français, que ce soit au lycée ou dans les écoles privées. Cela dit les chiffres ne sont pas catastrophiques. On reste la deuxième langue étrangère apprise en Grèce. On sent même un regain du français cette année. Le déclin est enrayé. Le nombre d'élèves inscrits dans les écoles privées et dans nos instituts d'Athènes et de Thessalonique a augmenté cette année.

Comment percevez-vous les mesures annoncées par Madame la ministre de l'Education nationale ?

Au lieu d'enseigner le français pendant seulement trois ans au collège, l'apprentissage du français s'étend à 7 ans. Le bilan est positif. Mais effectivement il faut être vigilant sur la qualité de l'enseignement. On a la chance d'avoir un gouvernement bien disposé à l'égard de la francophonie. Rien n'est facile cependant. S'il n'y a pas dans la société civile grecque un courant en faveur du français, une demande des parents et des élèves pour le français, c'est clair le français ne va pas être imposé de manière dictatoriale. Il faut donc créer dans la société civile grecque une demande pour le français. Ca c'est notre boulot.

Mais « ce n'est pas un problème » selon Stanley Hilton, responsable pédagogique à l'IFA. « Le système institutionnel français n'avait pas vocation à se substituer aux écoles privées. En fermant les annexes, les élèves sont simplement allés apprendre le français ailleurs. En se contractant, le dispositif est devenu plus percutant. L'IFA a un objectif de subsidiarité par rapport au tissu grec d'enseignement des langues : par exemple en formant des professeurs, en donnant des cours spécialisés pour former des interprètes et des traducteurs.

Elle assure des cours différents, où l'apprentissage de la langue ne se fait dans un environnement scolaire, mais en situation à travers par exemple des ateliers vidéo, d'expression corporelle pour enfants. La spécificité de l'IFA est de permettre une immersion dans un environnement complètement francophone, avec notamment l'accès à la bibliothèque, à la médiathèque, au cinéma le mercredi soir et bien sûr les contacts avec des francophones natifs. »

L'IFA enfin assure le passage des diplômes de français DELF et du DALF. 70.000 modules d'examens sont passés par an, dans une centaine de centres d'examens répartis sur tout le territoire. Dès la rentrée 2005, le nouveau DELF rentrera en application. Divisé en six diplômes, le DELF validera six niveaux de compétence en langue. Ce sera le premier diplôme adapté aux exigences du « cadre européen de référence pour les langues » dans les Institus français, sachant que les diplômes correspondants délivrés depuis 2 ans par l'Etat grec sont, eux, plus qu'en accord avec le cadre européen.

Réportage à Athènes
Maud Vidal-Naquet

Photos Laurent Fabre

La francophonie grecque sur le Net :

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