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Cité internationale : 75 ans de présence universitaire grecque

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Proposé par iNFO-GRECE le
Grecs sans frontières
Rencontre avec Maria Gravari-Barbas, directrice de la Fondation hellénique

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Entrée du pavillon grec à la Cité Universitaire de Paris

Depuis deux ans, on sent que quelque chose bouge à Paris autour du quartier grec de la Cité internationale : expositions, conférences, mini-concerts… des activités qui débordent du cadre strict de la vie universitaire. Décidément la nouvelle directrice, Maria Gravari-Barbas, tient à ce qu'on parle de sa maison. Valait mieux pour pouvoir fêter comme il se doit le 75e anniversaire de la Fondation hellénique, l'organisme chargé de la gestion du pavillon grec de la Cité.

75 ans qui ont vu défiler dans ses murs des gens aussi divers que célèbres par la suite, comme les cinéaste Costas Gavras et Theodoros Angelopoulos, les peintres Pavlos et Dimitris Mytaras, l'ex-ministre Theodoros Pangalos, le journaliste Richardos Someritis, le philosophe Costas Axelos, et bien d'autres encore, éponymes ou anonymes… En 2007, la maison grecque sort enfin du silence. Entretien à la veille de la célébration.

Malgré la renommée de ses pensionnaires, la Fondation a été davantage connue jusqu'ici pour sa discrétion, voir pas connue du tout. Mais, aujourd'hui, le poids de l'âge la rattrape et les rides commencent à se voir. Les fissures sur les murs demandent réparation, mais plus généralement, à 75 ans, elle a besoin d'une restauration à laquelle les mécènes sont les bienvenus. Histoire aussi de renouer avec l'esprit des origines. Lorsqu'en 1930 le pavillon grec s'est levé sur le terre-plein entre la porte d'Orléans et la porte Châtillon, ce fut le miracle. Un miracle généreusement soutenu par l'immigration grecque de l'époque.

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Maria Gravari-Barbas

i-GR : Avec tous ces noms, vous disposez d'un sacré patrimoine… que peu connaissaient jusqu'ici.

"Effectivement, cela forme un patrimoine", dit d'emblée, Mme Grivari-Barbas. "Notre patrimoine, ce sont toutes les générations qui sont passées par la maison. Et, à l'occasion de nos contacts pour la célébration du 75e anniversaire, je constate qu'ils gardent tous une certaine affection pour ce lieu".

i-GR : Mais, vous Mme Grivari, vous êtes à la direction du pavillon grec que depuis deux ans. Comment voyez-vous la relève ?

M. G-B : Chaque génération a vécu son séjour ici de manière différente. La génération des années 50-60 n'était pas la même que celle des années 70-80, par exemple. La situation du pays [de la Grèce, ndlr], n'était pas la même non plus. La fondation hellénique a toujours été un morceau de la Grèce au cœur de Paris. Ce que nous voulons, c'est être l'interface entre les deux pays, cultiver les contacts qui se cristallisent à la maison. Ce qui est formidable, c'est que l'artiste va venir avec son bagage, il va rencontrer ici d'autres Grecs qui ont des intérêts semblables, mais aussi il va réactualiser son bagage avec l'expérience française. Alors à tous ces jeunes, nous voulons apporter autre chose qu'un service d'hôtellerie.

i-GR : Quels services par exemple ?

M. G-B : Etre entre personnes du même âge qui cherchent la même chose. Pour les artistes, en étant sur place, ils peuvent voir le travail des autres.

i-GR : Ca ressemble un peu à un ghetto, non ? Entre Grecs, entre artistes…

M. G-B : Non, pas du tout. Parce qu'ils vont côtoyer d'autres nationalités.

i-GR : C'est-à-dire ?

M. G-B : Par exemple nous procédons à des échanges avec les pavillons des autres nationalités. Dans le pavillon grec, nous accueillons actuellement 22 nationalités des cinq continents. Et, des étudiants Grecs sont, à leur tour, accueillis, dans d'autres pavillons. Puis même entre Grecs, il y des personnalités différentes, entre un scientifique qui vient de Ioannina, un artiste de Thessalonique, un littéraire d'Athènes… Il y a des échanges, des confrontations et quand la mayonnaise prend, quand se met en place une dynamique de groupe, on arrive à des choses intenses.

i-GR : Pouvez-vous nous donner un exemple ?

M. G-B : Il y a deux ans, un groupe d'étudiants, essentiellement des scientifiques, a monté une pièce de théâtre. Mais une pièce, remarquable par son professionnalisme. Ce que je veux dire par "plus que du service", c'est être en mesure d'apporter aux étudiants cette expérience sociale, l'expérience de l'altérité.

i-GR : Mais ne sont-ce là des exceptions qui échappent à la généralité ? Cela demande aux étudiants un investissement personnel et du temps...

M. G-B : Il est vrai qu'avec le développement des échanges Erasmus on voit de plus en plus arriver des étudiants pour des séjours courts. Le rapport n'est pas le même.

La Fondation hellénique dispose en effet de 80 lits repartis en chambres individuelles ou doubles. L'admission se fait en principe au niveau Licence, mais comme la Grèce n'est pas très avancée dans la reforme universitaire européenne de 3-5-8 il se trouve que la plupart des étudiants viennent pour le classique troisième cycle, au niveau master ou doctorat, parfois en post doctorat. En moyenne, la Fondation reçoit trois fois plus de demandes que des places disponibles.

i-GR : En dehors du niveau d'études, quels sont les autres critères d'admission ?

M. G-B : L'excellence universitaire !

i-GR : On n'ira pas regarder les bulletins de notes des pensionnaires, mais je suppose qu'il doit en avoir plus d'un qui prétend à l'excellence… surtout qu'il ne doit pas être évident de comparer les notes d'un étudiant de Beaux Arts avec celles d'un étudiant en Sciences… Est-ce qu'il y a d'autres critères ?

Un miracle... à la grecque

En 1926, le directeur de la Cité universitaire de Paris, André Honnorat, adresse un appel officiel au gouvernement hellénique, l’invitant à édifier un foyer national étudiant à Paris. La situation économique et social est alors très difficile en Grèce et il parait peu probable que l'appel trouve un écho favorable.

Pourtant 6 ans plus tard, Nikolas Politis, alors ambassadeur de la Grèce en France, inaugure le pavillon grec. Une quête des fonds est lancée dès 1927, tant à l’intérieur du pays, qu’à l’extérieur, parmi les Grecs de la Diaspora. Les anciens étudiants des universités françaises, les associations francophiles de Grèce, se mobilisent.

En 1928, la somme de 2 millions de drachmes est réunie. Un généreux donateur, Basil Zaharoff, apporte 200.00 francs décisifs à la réalisation de l'objectif. Le gouvernement grec décide, lui, d’allouer une somme de 2,35 millions de drachmes.

La première pierre peut alors être posée le 14 janvier 1931. C'est un architecte grec diplômé de l'Ecole spéciale d'architecture de Paris qui conçoit les plans avec des références claires à la Grèce antique.

M. G-B : Oui, entre deux candidats de même niveau, on privilégiera bien sûr celui qui est le plus dans le besoin. Le deuxième critère, c'est le critère social. En fait, les différents dossiers sont évalués par une commission où siège un représentant français des admissions universitaires, le directeur d'une un pavillon d'une autre nationalité, un responsable de l'ambassade, un représentant des résidents et le directeur.

i-GR : il y a tout de même une constance… Votre prédécesseur a tenu le poste pendant un moment…

M. G-B : 41 ans.

i-GR : Pendant lesquels la Fondation a brillé par sa discrétion…

M. G-B : Je ne sais pas, je ne suis pas une ancienne [pensionnaire] de la Fondation.

i-GR : Vous, vous êtes arrivée en 2004. Comptez-vous rester aussi longtemps ?

M. G-B : Ce n'est pas à souhaiter à qui que ce soit.

i-GR : Parlez-nous un peu de vous… de votre parcours.

M. G-B : Ce n'est pas le plus important….

i-GR : Vous arrivez en France en 1986, à Paris…

M. G-B : Oui, je venais de terminer mes études d'architecte à Athènes et j'ai fait un doctorat de géographie à Paris IV. Aujourd'hui j'enseigne la géographie sociale à l'Université d'Angers.

i-GR : Et, en Grèce, vous êtes originaire de quelle région ?

M. G-B : Disons d'Athènes…

i-GR : Pourquoi, "disons"…

M. G-B : Parce que c'est plus simple. Mes parents étaient d'un bout et de l'autre de la Grèce. Mon père, de Corfou ; ma mère, de Thessalonique. Comme, de plus, ils étaient enseignants, nous avons beaucoup déménagé au gré des affectations. Au niveau de mes grands-parents, c'était pareil…

i-GR : Décidément, la géographie était dans vos gènes. Mais, pourquoi vous choisissez la France ?

M. G-B : C'est un choix culturel. Mes parents étaient enseignants. Je connaissais auparavant la France par ma mère qui enseignait le français. Puis, la France est un pays où on peut travailler sereinement, sans sacrifier la qualité de la vie.

i-GR : Et, maintenant, à la Fondation, quels sont vos projets ?

M. G-B : Un de nos objectifs est de parler et de faire parler de la Fondation qui a besoin de restauration. Et puisque nous fêtons cette semaine le 75e anniversaire, je dirai que c'est une restauration indispensable pour pouvoir fêter dignement le 100e anniversaire. Pour cela, il faut de l'argent.

Paris 1931: inauguration de la Fondation hellénique

i-GR : Justement, la création du pavillon, fut une œuvre de bienfaisance…

M. G-B : Sa création en 1930, fut effectivement une aventure. La Grèce était le seul pays du Sud-Est européen à construire un pavillon à la Cité internationale universitaire. La Grèce rivalisait avec des pays qui n'avaient pas du tout les mêmes problèmes que elle. Le contexte économique et social en Grèce était très difficile à l'époque. Pour cela il y a eu deux raisons : d'abord, l'ambassadeur de l'époque, Nikolaos Politis, qui a réussi à mobiliser les donateurs. Ensuite, les donateurs eux-mêmes. Ce fut une œuvre collective. Il y a eu des donations des grandes familles, mais aussi de tous petites. Ce fut l'œuvre de la diaspora toute entière puisqu'il y a eu des donations des Grecs d'Alexandrie, d'Addis-Abeba, où il y avait alors une importante communauté grecque…

i-GR : Pensez-vous qu'un tel élan est aujourd'hui de nouveau possible ?

M. G-B : Je l'espère. Les formes de mécénat aujourd'hui ont changé. Si la Fondation lance un appel auprès des banques, des entreprises, des anciens pensionnaires… je pense qu'elle peut rencontrer un écho. Mais je peux vous dire que la Fondation Niarchos va financer prochainement la restauration des Salons de la maison. L'Etat grec, de son côté, a débloqué une somme pour permettre, dès cet été, le démarrage des murs de l'extérieur. Puis, nous sommes en train de préparer un projet global de rénovation parce que chacun doit savoir où va aller son argent.

i-GR : En conclusion ?

M. G-B : Les fonctions de la Fondation dépassent largement celles de l'hébergement. Nous voulons que la Fondation soit une vitrine de la Grèce à Paris. Une vitrine qui fait rayonner la Grèce. Dans leur acte de donation, les maisons de la Cité internationale ont mission de présenter les œuvres les plus importantes de leurs pays et de faire connaître les créateurs, les intellectuels, les artistes du pays. Nous sommes encore loin de ce que font les maisons voisines de l'Allemagne, ou encore de l'Espagne, mais nous n'avons pas non plus les mêmes moyens.

Il se fait tard ce samedi soir et il est temps de laisser Mme Gravari-Barbas finir les préparatifs pour l'accueil dans quelques heures des anciens pensionnaires qui ont annoncé nombreux leur participation aux célébrations du 75e anniversaire. Pour ceux qui n'auront pas pu faire le déplacement, une deuxième journée est annoncée, cette fois à Athènes, le 28 novembre prochain, au musée Benaki.

Propos recueillis par AE

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