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Prise de chignon chez les popes orthodoxes. Querelles byzantines entre le patriarcat de Constantinople et l'Eglise de Grèce

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Par iNFO-GRECE ,

Le torchon brûle depuis plus d'an entre le Patriarcat œcuménique de Constantinople et l'Eglise de Grèce. Les relations se sont clairement envenimées le mois dernier avec la nomination par l'archevêque d'Athènes et Primat de Grèce de trois métropolites dans les préfectures de la Grèce du Nord contestées par le Patriarche Bartolomé Ier. De là, à interdire de communion le chef de l'Eglise grecque, le patriarche ne semble pas avoir hésité plus d'un instant, l'occasion s'y prêtait pour affirmer une autorité concédée il y a… 75 ans !


Le tout commence quand le patriarcat de Constantinople, autorité suprême de l'Orthodoxie veut affirmer aussi son autorité administrative. Très respecté par les Grecs qui le considèrent comme le dernier bastion de l'hellénisme dans le feu-Empire byzantin, le Patriarcat profitera de l'affaiblissement de l'archevêque d'Athènes et Primat de l'Eglise de Grèce Christodoulos, alors aux prises avec le gouvernement socialiste de l'époque au sujet de l'inscription de l'appartenance religieuse sur les nouvelles cartes d'identité, pour revendiquer le retour des églises du Nord de la Grèce dans le giron du Patriarcat où elles appartenaient jusqu'à 1929.

L'élection dernièrement par le Saint Synode de l'Eglise de Grèce des métropolites de Thessalonique, de Elftheroupolis et de Serbia-Kozani malgré l'opposition annoncée du Patriarcat a fait déborder le vase à Constantinople qui a répondu par une interdiction de communion de l'archevêque Christodoulos. Quant à l'Eglise de Grèce, si les métropolites qui composent le Saint Synode suivaient jusqu'ici en grande majorité l'archevêque Christodoulos dans sa façon de négocier avec Bartolomé, il n'ont accepté que du bout des lèvres d'aller jusqu'au bout et d'élire les trois métropolites : sur 75 votants le 26 avril dernier, 35 avaient soutenu la motion pour la désignation immédiate des trois métropolites, 23 s'y étaient opposés, 8 avaient voté blanc et 5 s'étaient abstenus. C'est dire le malaise qui règne dans les rangs. Hier une délégation du Phanar (le faubourg de Constantinople où est situé le Patriarcat) s'est rendue à Athènes où elle a rencontré le Premier ministre, les ministres concernés (Affaires étrangères et Education et Cultes) ainsi que l'ensemble des chefs des partis politiques. Le gouvernement a déclaré qu'il accepterait une mission de médiation si les deux parties le lui demandaient, sinon pour lui la querelle restait une affaire interne à l'Eglise.

Ces paroisses, dites "des nouveaux pays" dans le jargon ecclésiastique, obéissaient effectivement au patriarcat de Constantinople qui jouissait alors de certains privilèges sous l'Empire ottoman. En 1850, une première frontière est établie au Nord de Larissa, en Thessalie, entre le nouvel Etat grec et l'Empire ottoman. Le patriarcat de Constantinople accorde à la toute nouvelle Eglise de Grèce le statu d'église autocéphale.

La Grèce continue sa lutte de libération contre l'occupant turc, puis viennent les guerres balkaniques à l'issue desquelles la nouvelle frontière de la Grèce incluse maintenant l'Epire, la Macédoine et la Thrace. Mais retournement de situation, en 1922, les Grecs en campagne en Asie mineure, encouragés puis lâchés par les Alliés de l'Occident subissent un sérieux revers en pleine Anatolie et une des plus grandes catastrophes de leur Histoire avec le déracinement de l'hellénisme de l'Asie mineure et du Pont-Euxin. Des centaines des milliers de réfugiés, laissant derrière eux autant de cadavres sur lesquels se bâti la nouvelle Turquie laïque de Kemal Atatürk.

Le Patriarcat œcuménique n'est pas épargné de la vengeance turque. Devant ses difficultés, il accorde l'administration des paroisses des "nouveaux pays", c'est-à-dire les régions libérées après 1850 à l'église autocéphale de Grèce. C'est cette concession que le Patriarcat veut reprendre aujourd'hui. Problème, entre temps, outre le fait accompli du statu quo, l'Eglise de Grèce est devenue constitutionnellement un partenaire de l'Etat qui lui exerce sa souveraineté sur l'ensemble du territoire politique. Pour le Patriarche Bartolomé, il y a deux églises de Grèce, l'Eglise autocéphale (jusqu'à Larissa) et l'Eglise de Grèce proprement dite qui englobe l'autocéphale et le reste. L'intérêt de ce reste et notamment du Nord de la Grèce est que c'est celle qui résiste le mieux à la désaffection des fidèles dont l'obole, on imagine bien qu'elle constitue le nerf de la guerre même si le fond est tissé de questions d'honneur et de prestige.

Mais le problème serait bien simple s'il était réduit à une affaire financière. Savoir que le Patriarcat œcuménique de Constantinople est un enjeu politique permanent dans les relations entre la Grèce et la Turquie, que certaines organisations de la communauté grecque des Etats-Unis sont très influentes dans la cour patriarcale Constantinople, que la Turquie -orientation européenne oblige- est peut-être en train de desserrer l'étau autour de la capitale symbolique de l'orthodoxie ou encore que Constantinople doit compter avec la concurrence du Patriarcat de Moscou dans les Balkans et les pays frontaliers de la Turquie, ne facilitent peut-être pas d'avoir une vision plus claire mais permettent peut-être d'en mieux saisir les enjeux. Il reste que si le Patriarcat de Constantinople doit profiter du nouvel environnement politique dans la région et retrouver aujourd'hui une nouvelle vitalité souhaitée par tous les orthodoxes, celui-ci ne doit pas se faire en semant la zizanie et en divisant les Grecs lesquels sont autant attachés à l'autonomie de leur Eglise qu'ils sont respectueux et fiers de leur Patriarcat qui symbolise aux mieux l'orthodoxie grecque.

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