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L'ombre de l'ONU sur la fête européenne

"C'est dans un esprit chaleureux et solennel que je souhaite aux nouveaux membres la bienvenue au sein de notre famille européenne", écrivait le Premier ministre grec et Président en exercice du Conseil européen dans un article publié par le quotidien parisien Le Monde hier. Mais, la présence du Secrétaire général de l'ONU Kofi Annan aux cérémonies de signature du traité historique d'adhésion de 10 nouveaux pays membres à l'Union Européenne, à la recherche d'un rôle pour l'ONU dans l'après-guerre en Irak et les difficultés à le définir, risquent d'éclipser le premier sens des retrouvailles européennes.


La troïka du "camp de la Paix" (France, Allemagne, Russie) s'est rendu tardivement compte que son approche théorique du rôle de l'ONU dans l'après-guerre était en décalage avec le rythme des évènements sur le terrain. Le temps des débats, le bénéfice de la victoire américaine risquait de s'amenuiser dans le chaos dans lequel commençait à se plonger l'Irak. La guerre finie, le temps était toujours à l'action, pas à la discussion. Et, là l'ONU ne pouvait qu'être à nouveau hors jeu. Déboussolé, isolé, Kofi Annan compte sur son dernier recours, l'Europe. Mais celle-ci, est profondément divisée sur la question. Pas tant sur le rôle théorique de l'ONU, que sur les méthodes et les moyens d'agir.

Le Premier ministre britannique Tony Blair, l'a répété ce matin dans l'entretien qu'il a eu avec Kofi Annan en marge des cérémonies pour la signature du traité d'adhésion des nouveaux pays à l'UE, à Athènes, que le rôle de l'ONU ne sera pas limité aux seules questions humanitaires, mais que l'organisation devrait être appelé à participer à la reconstruction politique et économique du pays. Faut-il encore que Kofi Annan n'attend pas, une fois de plus, que d'autres lui dictent ce qu'il doit faire. Il est vrai que le mode de fonctionnement de l'ONU laisse peu de marges d'initiative à son Premier Secrétaire. Mais il ne lui est pas interdit d'avoir des idées.

Malmené par les Américains qui ont pris la décision de se passer de ses services, l'Organisation des Nations Unies est au plus mal de son histoire. Que l'Union Européenne, malgré ses problèmes internes, soit au mieux de la sienne -et la journée d'aujourd'hui en est la démonstration - ne va certainement pas arranger l'état des Nations Unis. L'ONU devra désormais compter avec la présence dans la diplomatie internationale de deux blocks - celui des Etas-Unis et celui de l'Union Européenne, sans parler du poids de l'Otan.

Il suffit de regarder la composition des différentes commissions de l'ONU et la sur-représentativité des "petits pays" qui plus est du tiers monde, pas plus exemplaires en termes de démocratie qu'en termes de capacité à prendre des décisions indépendantes, fondées sur la raison et la justesse, pour comprendre que les grands pays cherchent à se passer de leur avis, de leur vote et de la lourdeur d'une pléiade de textes qui votés dans ces commissions dans des conditions douteuses encombrent les débats des Assemblées et paralysent les prises de décision. On serait en mesure d'attendre que ces pays à force de fréquenter les pays occidentaux dans les coulisses de l'Organisation évoluent sur les chemins de la démocratie et de la raison. Il n'en est que peu de cas. Pour les plus étrangers du régime démocratique, les tyrans qui les gouvernent ont vite saisi les profits qu'ils pourraient tirer de cette tribune mondiale, pour les autres leur dépendance économique les rend assujettis au plus offrant. Les "tournées d'influence" entre la France et les Etats-Unis pour faire peser les voix tiers au Conseil de Sécurité à l'occasion de la crise irakienne, n'en furent qu'une triste illustration. Et l'ONU a laissé faire.

Les Etats-Unis ont fini par jeter l'éponge et se passer de l'ONU à l'occasion de l'Irak ; malgré la façade de circonstances et le soutien opportun apporté par les pays européens à l'ONU, l'Union européenne pourrait bien ses passer demain de la médiation de l'ONU, si ses intérêts et les circonstances l'exigent. La France, aujourd'hui ardent défenseur de la médiation onusienne, a géré toute seule le conflit en Côte d'Ivoire sans jamais songer amener l'affaire devant l'ONU. Et pour cause, depuis dix ans, l'ONU a échoué dans les grands défis que l'histoire occidentale lui a proposé. Simple chambre d'enregistrement de la faillite du block communiste, elle n'a eu qu'un rôle secondaire dans la crise yougoslave. 27 ans d'occupation turque à Chypre, l'intervention onusienne n'a fait qu'entretenir un statu quo au profit des occupants. Ce n'est pas un secret que le rôle de l'ONU est formel dans le conflit israélo-palestinien, et qu'aucune avancée ne serait possible sans la bonne volonté américaine ou soviétique (en son temps). Dans le cas de l'Irak, la lourdeur procédurière allait priver le Conseil de Sécurité du choix "pour ou contre" une intervention militaire dans la mesure où, à quelques jours près, le choix militaire devenait inopérant pour les seules raisons météorologiques bien connues. On ne décide pas d'une guerre un an d'avance.

Instrument unique dans l'histoire de l'humanité, par son étendue mondiale, par son rôle dans la paix dans le monde et par la générosité de son idée, l'ONU a besoin d'évoluer pour mieux s'adapter aux nouvelles conditions de l'Histoire des Nations. Cette évolution doit d'abord passer par le développement de la critique. Le premier principe des démocraties est que même les bonnes idées sont sujettes au débat critique. L'Organisation des Nations Unies ne peut être seulement responsable de ses succès - et dans son exceptionnelle longévité, ils furent nombreux ; elle doit aussi être redevable de ses échecs. Le débat ne fait que commencer. Il en va de même pour celui qui se trouve à la tête de l'Organisation, son Secrétaire Général. Il est d'usage que le Premier ministre d'un gouvernement assume en dernier lieu la responsabilité des actes de son gouvernement et de ses ministres. C'est aussi le cas pour tout type d'organisation, gouvernementale ou pas, politique, humanitaire ou économique. Pourquoi en serait-il autrement pour l'ONU ?

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