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Les grecs de Corse

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histoire des greco-corses

Le voyageur dans l’île de beauté ne pourra apprécier complètement sa venue à Cargèse que s’il est sensible non seulement à la beauté d’un site, au charme d’un village en bord de mer mais aussi aux singularités de l’histoire.

S’il débarque à Ajaccio, il arrive à Cargèse par une route sinueuse bordée de caps et de précipices, monte le col San Sebastiano, surplombe puis longe le golfe de Sagone, remonte à nouveau pour entrer, après un dernier virage, et comme par surprise, dans le village.

Le spectacle surprend aussitôt : deux églises presque jumelles qui se regardent, dominant beaucoup plus loin, en bas, un petit port construit comme un écrin, enserré entre le cimetière et la jetée, où s’abritent les barques des pêcheurs.

Le voyageur ne se doute pas que cette sérénité, ce face à face fraternel entre deux églises de rites différents, cette harmonie trouvée entre le bon Dieu, la mort et la mer sont l’aboutissement de la noble et tragique histoire des immigrés grecs de Cargèse.

Le village, bâti en 1774, incendié en 1789, reconstruit en 1809, attaqué en 1814 puis en 1830, et enfin secoué à nouveau par des événements plus récents, témoigne que le meilleur et le pire sont toujours, ensemble, présents sur ces rivages méditerranéens si riches dans leur grande diversité de races, de religions si prodigues d’alliances généreuses et de conflits sanglants.

Cargèse doit en fait son existence à la première migration grecque en Corse en 1676. Ces grecs étaient des « maïnotes » originaires de la presqu’île de Morée dans le Péloponnèse . Ils avaient été écrasés par les Turcs en 1669 après une résistance devenue légendaire. Leurs démarches avec la République de Gênes dont la Corse était à l’époque une sorte de protectorat remontent à 1663. La petite colonie grecque débarque à Gênes le 1er Janvier 1676 et, conformément aux accords très précis conclus avec le Sénat de Gênes, s’installa à Paomia, petit village proche de la pointe de Cargèse.

En 1731, les Corses se soulèvent contre Gênes. Les immigrés grecs ayant refusé de se rallier à l’insurrection sont chassés de Paomia qui est incendiée. Les hommes réussiront à faire embarquer leurs familles pour Ajaccio qu’ils rejoignent après un dernier combat près de la Tour d’Omignia que l’on peut voir de la plage du Péro, tout près, au nord de Cargèse. Les Grecs restèrent à Ajaccio, plus ou moins bien acceptés au point de songer, un moment, à émigrer en Espagne. En 1769 la Corse devient française. Le Comte de Marbeuf qui allait désormais jouer un rôle essentiel les en dissuada.

Le 25 Septembre 1773 un projet fut élaboré et adopté prévoyant, compte tenu de l'importance et de la composition des familles grecques, la construction du village de Cargèse aux frais du Roi. Aucun village à notre connaissance n'a été construit dans ces conditions. Les Grecs s'y installent à partir de Mai 1775 et une période relativement calme et prospère commence sous l'égide de Marbeuf et l'autorité du capitaine Georges Stephanopoli qui s'avéra être un administrateur exemplaire.

Le décès de Marbeuf, la révolution de 1789 surtout allaient à nouveau remettre en cause la présence de ces "étrangers". Attaqués par les montagnards des environs, notamment du village de Vico, les Grecs durent subir un nouvel exode vers Ajaccio.

En 1797, la plupart des familles - certaines préférant rester à Ajaccio - consentent à regagner Cargèse après avoir reçu les assurances des autorités. Bonaparte lui-même n'était pas resté indifférent devant ce nouveau drame.

En 1814 nouveau soulèvement des Corses, nouvelles menaces qui se traduisent par la signature d'un acte où les Grecs abandonnent la quasi totalité de leurs biens. Cet acte, annulé en 1882, avait entraîné la misère, une épidémie et provoqué, entre-temps, un nouvel exode.

Les troubles de 1830 furent l'occasion d'une nouvelle agression qui échoua. Les malheurs de ces émigrés étaient enfin terminés. Une ordonnance de Charles X du 29 Mars 1829 prescrivit la construction d'une église latine et le maintien de l'église grecque. Ainsi était parachevée la création difficile mais exemplaire d'une véritable communauté gréco-corse.

N'oubliez pas cette histoire en vous promenant dans Cargèse. Vous trouverez dans le dédale des maisons claires aux toits rouges une douceur, une hospitalité, certains regards qui ont gardé la couleur de la mer Égée qui emporteront votre sympathie, voire votre amitié.

Claude Bonéfant

CHRONOLOGIE

Les ancêtres des Grecs de Cargèse étaient des Maïnotes originaires de Vitylo ou Oitylos (Laconie.) Pour fuir le joug Ottoman, 800 Grecs décidèrent de s'expatrier.

1663: Des pourparlers conduits par Mgr Partenios Calcandis, Evêque de Vitylo, avec le gouvernement de Gènes devaient durer 12 ans. Le dit gouvernement concédait aux émigrants en Corse, le territoire de PAOMIA, à quelques 50 kilomètres d'Ajaccio. Cette concession était accordée contre une faible redevance à la condition que les Grecs reconnaissent la suprématie du Pape.

1665 : Les pourparlers étant assez avancés, le 25 juin, Mgr Calcandis qui devait, avec 6 moines et prêtres, accompagner les Grecs en Corse, remercie le gouvernement de Gènes.

1675 : La Commission des Stephanopoli étant revenue satisfaite du territoire concédé à Paomia, la signature d'un contrat eut lieu en 1675, le 25 septembre, avec le capitaine Daniel, du vaisseau "sauveur", qui devait en 10 jours rendre les 800 émigrants soit à Livourne, soit à Gènes, pour le prix de 5 réaux (valeur du réal: 0,0382 €) payables à destination. L'embarquement eut lieu dans la nuit du 3 au 4 octobre 1675, mais le "sauveur" ne mouilla devant Gènes que le 1er janvier 1676. Sur 800 émigrants, 120 moururent pendant la traversée.

1676 : Le 13 février, interrogatoire de Mgr Parthenius par les autorités génoises qui désiraient connaître les causes de leur exil. Avant le départ pour la Corse, lesdites autorités "italianisèrent" les noms en remplaçant la finale "AKIS" par "ACCI" . exemple : GARIDAKIS est devenu "GARIDACCI". Le 14 mars, 3 galères génoises abordèrent en un point imprécisé qui devait être à la hauteur de Paomia. II semblerait qu'il s'agisse de la petite baie "dei Monachi" (des moines) aujourd'hui Baie des Forni. PAOMIA, tire son nom de l'italien "pavone" (Paon). PAOMIA comprenait 5 hameaux: Pancone, Corone, Rondolino, Salici et Monte-Rosso, qui furent construits par les Grecs en un an.

1678 : Achèvement à Rondolino de l'église principale Notre Dame de l'Assomption (fête patronale le 15 Août). Par un labeur acharné, les Grecs transformèrent la contrée qui fut la mieux cultivée et la plus riche du pays alentour. Pendant une cinquantaine d'années, ils vécurent en bonne intelligence avec leurs voisins corses.

1729 : Révolte générale des Corses contre les Génois.Les Grecs refusent de se battre contre leurs bienfaiteurs. Considérés comme partisans des Génois, leurs propriétés de Paomia furent saccagées et pillées.L'année suivante, les Corses s'en prirent aux habitants qui luttèrent victorieusement. Cependant, les Génois ne pouvant leur venir en aide, leur conseillèrent de rejoindre Ajaccio par mer en laissant sur place une cinquantaine des leurs pour couvrir la cité. Ce détachement dut se replier à pied jusqu'à la pointe extrême de la presqu'île d'Ominia où il se réfugia dans la tour génoise. A bout de vivres, il put, à la faveur d'une sortie de nuit, se frayer, de vive force, un chemin vers Ajaccio qu'il atteignit vers la fin du mois d'avril 1731.

1731/74 : Pendant ces 43 années, les Grecs demeurèrent à Ajaccio.

1768 : 1er juin : Les troupes génoises amènent leurs drapeaux que remplace aussitôt, sur la citadelle d'Ajaccio, le drapeau du Roi de France. Les Grecs formèrent alors un régiment que le Comte de Marbeuf incorpora dans ses troupes.

1774 : Par l'entremise du Comte de Marbeuf, les Grecs obtiennent le territoire de Cargèse en compensation de la perte de Paomia. A la demande du Comte, Georges Stephanopoli (surnommé Capitan Giorgio) réussit en partie, à faire accepter cette proposition. Le Comte de Marbeuf y fit construire, par le Génie, 120 maisons, toutes de même type à 250 mètres de la mer. Le comte qui est fait Marquis de Cargèse fit également construire un château.

1793 : La révolution s'abat sur l'Ile. Le château de Marbeuf est rasé par les Jacobins de Vico, mais le village ne subit ni déprédations, ni sévices irréparables.Les hommes, qui se sont retranchés dans les deux tours de part et d'autre de la petite baie du Pero, sont autorisés à regagner Ajaccio avec femmes et enfants. De nouveau, les Grecs demeurent à Ajaccio pendant 4 ans. Ils sont ramenés à Cargèse sur l'ordre du Directoire par le général Casabianca; les deux tiers des Grecs consentent à revenir (800 environ), les autres préfèrent rester à Ajaccio ou se rendre sur le continent.

1804 : A cette époque, Cargèse compte 1000 habitants dont 350 environ sont corses. Cette intégration permet au village de vivre à jamais en paix.

1808 : Cargèse devient le centre de l'armée de secours. Une caserne y est construite qui peut loger 400 à 500 soldats.

1814 : Nouvelles menaces des Vicolais qui, sous Charles X, doivent restituer une partie des biens dont ils s'étaient emparés.

1830 : Les nombreuses alliances intervenues entre Grecs et Corses, désarment les Vicolais qui renoncent à de nouvelles attaques.Et depuis... Grecs et Corses vivent en parfaite intelligence.

APPENDICE

1874 : 80 familles, ainsi qu’un prêtre uniate, émigrèrent en Algérie et créèrent à 57 kms de Constantine, un village appelé Sidi Mérouan. Ce village fut construit à l'identique de Cargèse. Les derniers descendants de ces familles quittèrent l’Algérie en 1962, après 88 ans de présence. Voir :

XIXème et XXème siècles : Jusqu'aux alentours de 1914, d'autres habitants de Cargèse émigrèrent dans d'autres lieux d'Algérie ou en Tunisie, comme ma famille qui s’installa à Massicault.

1961 & 1962 : Fin de l'aventure tunisienne et algérienne, nouvel exil et nouvelle aventure en Corse ou sur le Continent, en Australie ou en Amérique du Nord ou bien ailleurs.

Venant su site

http://garidacci.free.fr/histoire.htm

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"Uniates du Péloponnèse"

L`histoire de l'Algérie est faite de celle encore mal connue de ses villages, comme Grarem et Sidi-Mérouan.

L'exil des Uniates du Péloponnèse a été pour eux le prélude de plusieurs exodes, (mot dérivé du grec "exodos"). Fuyant Itylon en Morée du Péloponnèse, ils sont successivement passés à Gênes, puis à Paomia en Corse, pour aboutir via Cargèse, à Grarem et à Sidi-Mérouan à onze kilomètres de Mila et à soixante-sept kilomètres de Constantine, en Algérie.

Au XIVe et au XVe siècles, Vénitiens, Génois et Catalans se disputent la possession de la Grèce, tandis que les Ottomans occupent la Thrace, la Théssalie et la Macédoine.

Lorsqu'en 1456, l'empire ottoman occupe Athènes et le Péloponnèse, ses troupes arrivent à Itylon ou Itylo en Achaï ou Morée, une des six provinces de cette presqu'île. Itylon, situé sur la côte ouest du Péloponnèse à quatre-vingts kilomètres environ au sud de Kalamata et à huit kilomètres au nord d'Aréopolis est alors le siège d'une communauté d'Uniates dont le nom est dérivé du russe "Ouniyat" et du latin "Unio". Bien que de rite orthodoxe oriental, cette église, de tradition romaine, refuse l'autorité ottomane et décide vers 1650 de demander asile à la République de Gênes.

Vers 1654, une première tentative de départ pour Gênes se termine par un échec, les embarcations des Grecs tombent aux mains des Barbaresques. Les rescapés sont conduits en esclavage dans un port d'Afrique du Nord.

Après plus de douze années de difficiles négociations avec la Sérénissime République génoise, huit cents Grecs s'enfuient à partir du 3 octobre 1675, sur des navires dont un français, "Le Sauveur" a destination de Gênes. L'embarquement se déroule sur une plage située à l'aplomb de la falaise, sur laquelle est perché le village d 'Ityon.

Ils sont accompagnés de membres de leur clergé comprenant : un prélat, vingt moines et dix prêtres. Le voyage en Méditerranée est pénible, il dure plus de trois mois, durant lesquels les corps de cent vingt passagers sont immergés. Dès leur arrivée à Gênes, les six cent quatre-vingts exilés sont embarqués sur des galères à destination de la Corse, propriété de la Sérénissime République.

À leur débarquement en Corse, au "port des moines" en mars-avril 1676, trois cent six hectares de maquis sont mis à leur disposition dans la région de Paomia, à cinq ou six kilomètres de la mer. Dans ce site magnifique, situé à cinquante-cinq kilomètres d'Ajaccio, perché au-dessus de la mer, mais déserté depuis longtemps par ses habitants en raison des fréquentes incursions des barbaresques, les émigrés sont exposés aux famines et aux épidémies. Ils n'en poursuivent pas moins l'élimination du maquis d'arbousiers et de lentisques, pour aménager des terrasses ou "restanques" aussitôt mises en culture.

Première installation à Paomia

Au printemps de 1676, la communauté grecque s'installe dans les cinq hameaux de Rondolino, Panconne, Corona, Saint-Martin et de Salze. A leurs têtes, quelques "capi" issus des familles nobles parmi lesquelles celle des Stéphanopoulos de Comnène, ont reçu l'assurance de la république génoise de conserver leur culture, leurs coutumes, la pratique de leur culte orthodoxe uniate.

En contrepartie et en gage de leur volonté de s'insérer dans la société corse, ils acceptent la proposition des autorités de l'île de faire suivre leurs noms du suffixe "ACCI". Cette condition transforme les Stéphanopoulos, les Capodimakos, les Papadakos, les Zanetakos et les Dragatkis en Stéphanopoli, Capodimacci, Papadacci, Zanettacci, Dragacci. Quelques patronymes comme celui de la famille Exiga ne subissent aucune modification. Désormais, les émigrés grecs conserveront leurs nouveaux patronymes durant toutes leurs migrations et jusqu'à nos jours.

Par le labeur opiniâtre de ces hommes et de ces femmes, au prix de beaucoup d'efforts et parfois aussi de larmes et de sang, les hameaux reprennent vie. En un peu plus de cinquante ans, de 1676 à 1729, ce qui n'était que maquis porte de belles cultures et de beaux arbres, oliviers et amandiers.

Cependant, par gratitude pour l'aide fournie lors de son départ du Péloponnèse, la minorité grecque a pris parti pour la République génoise dans le conflit qui l'oppose à la volonté d'indépendance de la population insulaire.

Dans les environs de Niolo, à Vico et à Renno, les Corses décident de chasser les Grecs. En 1730, leurs greniers pillés, leurs cultures saccagées, les malheureux se réfugient à Ajaccio, pauvres et sans ressources comme lors de leur arrivée. Cependant, en raison de leur ardeur au travail et de leurs connaissances des métiers de la terre, les hommes trouvent facilement à s'employer dans les propriétés.

Cargèse la Grecque en Corse
Collection Jacques Robert d'Eshougues

A Ajaccio, l'archevêché leur donne accès à la chapelle dite "della Madona del Carminé" toujours appelée chapelle des Grecs.

Le marquis de Malbeuf et la Corse

Financièrement ruinée par des guerres qui l'opposent à Venise et aux Turcs, la Sérénissime République de Gênes sollicite 1'aide du roi de France Louis XV. Le marquis de Marbeuf (1736-1781) est envoyé dans l'île avec un corps expéditionnaire de trois mille hommes dont l'effectif sera porté à douze mille afin de faire face à l'opposition conduite par Pascal Paoli (Morosaglia 1725- Londres 1807) soutenu par l'Angleterre. Après l'occupation temporaire de cinq villes, dont Bastia, Ajaccio, Calvi et à la suite du traité de Compiègne, signé le 17 juin 1768 par Choiseul moyennant une importante somme, le drapeau fleurdelisé flotte le 24 juin sur les murs de Bastia. C'est alors que Marbeuf fait preuve d'une grande impartialité et de beaucoup de loyauté pour que, les privilèges reconnus et que les engagements pris envers les Corses après l'achat de leur île, soient strictement respectés.

Deuxième installation de la communauté d'Itylon

En 1772, le marquis de Marbeuf fait le plan d'un nouveau village dont les rues sont tracées perpendiculairement à un axe central. Cent vingt maisons bâties sur cave sont construites dans ce village, dont le nom de Cargèse mêle et associe, peut-être involontairement, la Corse avec le "C" de sa première syllabe et le Péloponnèse avec le "èse'' de sa dernière. L'ensemble de la petite communauté s'y installe et, à partir de 1770 durant douze ans, construit de ses propres mains, le dimanche après la messe, une église de rite orthodoxe byzantin dont le saint patron sera Saint Spiridon.

Au fil des années, ce lieu de culte s'enrichira de quatre icônes du XIe siècle, symboles de l'église chrétienne de rite oriental. L'une d'elles, représentant le Christ mis au tombeau, n'est présentée aux fidèles qu'une fois par an, le "Vendredi Saint". Durant très longtemps, le rite de saint Chrysostome et la langue des ancêtres grecs furent seuls en usage. Quant au maire, dont la mairie s'honore d'un frontispice d'inspiration grecque, ce sera pendant longtemps un descendant des Uniates exilés d'Itylon.

Toujours attachés à leurs coutumes, les Grecs se remettent au travail, aguerris par les difficultés déjà surmontées. Leurs entreprises transforment la campagne corse de cette région du golfe de Sagone, en jardins maraîchers et en vergers.

L'installation en Algérie

Depuis son arrivée, la petite communauté grecque de Cargèse, augmentée de la naissance de nombreux enfants, se trouve un peu à l'étroit dans son village. C'est à partir de 1870 que les encouragements pour le peuplement de l'Algérie se multiplient. Nombreux sont ceux qui, persuadés qu'ils sont tolérés mais pas totalement insérés, vont vers 1870-1874, faire des demandes pour s'établir en Algérie où l'un des leurs était alors receveur de l'Enregistrement à Constantine. Les candidats au départ, au nombre de trente-trois d'abord, suivis de beaucoup d'autres ensuite, liquident tous leurs biens dans l'île. À partir de fin octobre 1874, ils s'embarquent sans leurs familles à Ajaccio pour Bône. À leur arrivée à Constantine, ils sont conduits à Grarem, Sidi-Mérouan, Ferdoua où l'administration leur propose des lots à mettre en culture.

Désormais, ne pouvant plus retourner, ni en Corse, ni à Itylon, les voilà avec leurs nombreux enfants confrontés à toutes les difficultés de la mise en valeur dans un milieu hostile, de lots exigus, envahis de figuiers de Barbarie et de lentisques. Comme les autres colons, ils sont exposés aux fièvres paludéennes en raison de la proximité d'un marais, aux ophtalmies, à la sécheresse, aux invasions de criquets, aux incursions des pillards et surtout au manque de moyens de financement.

En 1975, dans l'édition n° 4 d'Études corses, Mme Marie-Claude Bartoli souligne que : "Les colons avaient l'habitude de demander des secours en argent". De telles sollicitations, remarquées par les services du Gouvernement général de l'Algérie, trouvent probablement leur explication dans la présence de nombreux enfants dans les foyers gréco-corses ainsi qu'un plus grand isolement que celui de la majorité des colons établis dans les autres régions.

La communauté corse de Grarem et de Sidi-Mérouan

Partis en 1675 d'Itylo, dans le golfe de Messénie, les Uniates ont vu s'évanouir les clochers blancs et les volets bleus des maisons du Péloponnèse. Après leur arrivée à Gênes, leurs descendants, successivement installés à Paomia, puis à Cargèse, en repartirent vers deux villages du Constantinois créés à la fin du Second Empire par M. Luciani, secrétaire général à la préfecture de Constantine. Le village de Sidi-Mérouan, commune de plein exercice de 2711 hectares a été créé en 1874; celui de Grarem avec ses 1400 hectares en 1885. Toutes ces familles sont installées dans ces deux villages et dans leurs dépendances à Ferdoua et à Siliana où elles ont expressément demandé leur regroupement.

Elles disposent dans ces villages d'une poste et d'une école. En 1900, M. Stéphanopoli dirige l'école mixte franco-arabe de Grarem. Leurs enfants apprennent le français. Au contact des jeunes des douars : Guettara, Ouled-Yahia, Hamala, Siliana, Ben-Haroun et Sidi-Abdel-Malek, ils parlent couramment l'arabe. Inversement les petits musulmans récitent poésies et tables de multiplication avec l'accent corse.

Dans l'édition n° 56 de la revue "Les Africains" de novembre-décembre 1981, Marc Monnet, auteur d'un article sur les villages corses en A1gérie, souligne l'excellente qualité de l'enseignement primaire. Plusieurs de ses élèves ont en effet occupé par la suite d'importants postes dans l'administration et la magistrature.

Vingt-cinq après en Algérie

En 1900, les villages de Sidi-Mérouan, Grarem et Siliana, abritent des familles nombreuses. Familles dont la solidarité se manifeste de façon très efficace dès que l'une d'entre elles est dans le malheur. Les hommes, exposés à la dureté des conditions d'existence, meurent en laissant des veuves en charge de nombreux enfants. En cas de décès des deux parents, un frère ou une sœur, déjà chargés de famille, élèvent les orphelins.

Les "étapes de l'insolite itinéraire des Uniates du Péloponnèse

Les familles conservent la pratique de leur langue maternelle, de leurs coutumes religieuses et de leurs habitudes culinaires. Les baptêmes se célébraient par l'immersion totale du baptisé, avec les prières du ministre du culte orthodoxe uniate, Démétrius Stephanopoli qui officiait en 1900.

Dans les foyers, les plats traditionnels sont toujours cuisinés. Les repas sont composés de "kefkédes" (boulettes à la viande), de "moussaka", de "dolmades" (feuilles de vigne), l'anisette n'avait pas encore supplanté "l'ouzo". Enfin, comme en Grèce, il n'y a pas de dessert à la fin du repas.

Sidi-Mérouan et Grarem : deux villages grecs

En 1900, à Sidi-Mérouan, la mosquée n'est pas très éloignée de la maison du culte grec, dont le ministère est assuré par M. Démétrius Stéphanopoli. Dans ce village, le maire Stéphanopoli vient de céder son siège de premier magistrat à M. Constantin Ragazacci, dont M. Elie Rochiccioli est l'adjoint. En raison de l'exiguïté des concessions, les colons font des cultures maraîchères, cultivent de la vigne dont ils vinifient les raisins. Avec la céréaliculture, ils pratiquent l'élevage des bovins et des porcins.

Dans les deux villages, les exilés se répartissent toutes les tâches et, même si cette liste est forcément incomplète, voici quelques-unes des principales occupations de leurs habitants en 1900 : Draina Polymène garde-champêtre, Sidi-Mérouan; Dragacci Jean, facteur-receveur, Sidi-Mérouan; Dragacci Polymène, viticulteur, Sidi-Mérouan; Dragacci Etienne, entrepreneur T.P., Sidi-Mérouan; Exiga Antoine, garde-champêtre, Sidi-Mérouan; Exiga Michel, viticulteur, Sidi-Mérouan; Frangollacci François, agriculteur-viticulteur, Grarem; Frangollacci Xavier, agriculteur-viticulteur, Grarem; Garidacci Drago, maréchal-ferrant, Sidi-Mérouan; Lugarini, menuisier-ébéniste, Sidi-Mérouan; Lugaro Dominique, viticulteur, SidiMérouan; Pantaléonacci, maréchal-ferrant, Sidi-Mérouan; Ragazacci Constantin, maire, Sidi-Mérouan; Quilici, agriculteur, Grarem; Rochiccioli Antoine, adjoint au maire, Sidi-Mérouan; Rochiccioli Thomas, viticulteur, Sidi-Mérouan; Stéphanopoli Démétrius, prêtre orthodoxe, Sidi-Mérouan; Stéphanopoli Elie, viticulteur, Sidi-Mérouan; Voglimaci Michel, viticulteur, Sidi-Mérouan; Voglimaci Théodore, viticulteur, Sidi-Mérouan; Zannetacci Stéphanopoli, viticulteur, Sidi-Mérouan; Zannetacci Antoine, agriculteur, Siliana.

Sidi-Merouan et Grarem : quarante ans après

En 1914, les familles grecques de Sidi-Mérouan, Grarem et Ferdoua ne sont plus tout à fait corses, même si elles maintiennent des liens avec ceux qui sont restés sur l'île. Elles restent toujours très attachées à leur culte orthodoxe de rite byzantin. Après la guerre de 1914-1918, de nombreux noms grecs sont gravés sur les monuments aux Morts des villes et villages d'Algérie.

L'enseigne d'un descendant de la famille Zannetacci d'Itylon à Alger,
rue d'Isly, au dessus du Milk-Bar
" Alger de ma jeunesse ", éditions J.Gandini - Nice

Par la suite, la culture de la vigne, exigeante en main d'œuvre, est progressivement abandonnée dans le département de Constantine, au profit de quelques plaines comme celles de la Soummam ou de la Seybouse. Enfin, comme partout en Algérie, l'enseignement primaire, puis secondaire permet aux nombreux enfants des familles de Sidi-Mérouan et de Grarem, d'essaimer vers le village de Lutaud, dans la région de Batna, dans un premier temps puis vers les carrières de l'administration ou du secteur tertiaire par la suite.

Sidi-Mérouan, Grarem et Lutaud : soixante dix ans après

En 1939, la communauté française d'origine grecque de ces villages entre dans la guerre. L'année 1940 est celle du départ du dernier pope de Sidi-Mérouan.

Entre 1939 et 1945, les jeunes et les moins jeunes sont incorporés dans l'Armée d'Afrique avec des métropolitains et des fils et petits-fils d'immigrés rhénans, espagnols, italiens, maltais. Ils participent à toutes les batailles de France, du Liban et à partir de 1942, de Tunisie, d'Italie, de France et d'Allemagne. Après la guerre, d'autres noms grecs seront gravés sur les plaques des églises, des écoles ou des monuments aux Morts d'Algérie.

Juin 1962 : autre exode

Près de deux cent quatre-vingt-dix ans se sont écoulés depuis le départ d'Itylon. La communauté française d'origine grecque, fondue dans plus d'un million de Français d'Al gérie, en est a son quatrième exode.

Avec la plus grande dignité, les descendants des Uniates d'Itylon, s'embarquent pour recommencer et replonger leurs racines en France. Réimplantés avec courage et opiniâtreté sur le sol de France, nombreux sont ceux qui témoigneront par l'écrit l'insolite itinéraire de leurs ancêtres, ballottés par l'Histoire, de leur berceau du Péloponnèse à Gênes, en Corse, en Algérie puis en France*.

Le bilan de cet exil à l'aube de l'an deux mille

De Grarem et de Sidi-Mérouan, les Français d'origine gréco-corse se sont répartis dans toute l'Afrique du Nord et notamment dans le département de Constantine à Gravelotte, Lutaud, Youks-les-Bains, Lacroix, Périgotville, Chevreul, puis dans ceux d'Alger et d'Oran. Cette propension a l'essaimage s'est encore développée lors de l'exode massif de 1962, après lequel nous retrouverons leurs descendants dans toutes les villes de France où ils se sont fondus dans la communauté nationale. Hormis les noms qui subsistent, leurs enfants ne parlent plus la langue maternelle et ne goûtent pas plus que les autres Français la cuisine grecque. Avec le développement des moyens de communication, ils ont refait en sens inverse itinéraire de leurs ancêtres en se souvenant des exodes successifs. De tous ceux qui, de part et d'autre, ont vécu ces déplacements toujours douloureux, il est encore difficile de dire qui a le plus perdu. Probablement pas ceux qui les ont subis et qui, dans la cruelle adversité ont eu assez de courage et d'opiniâtreté pour surmonter leurs difficultés. Enfin, en remontant jusqu'au berceau familial, dans le Magne du moderne Péloponnèse, ils se sont aperçus, non sans surprise, que ceux qui y sont restés conservaient le souvenir de ceux qui en étaient partis. Respectueux du passé de leurs lointains parents, des liens qu'ils croyaient rompus ou distendus se sont reconstitues dans le souvenir des générations précédentes et des sacrifices consentis pour survivre.

Edgar Scotti

Le premier sujet vient de ce site

http://garidacci.free.fr/histoire.htm

Le deuxieme sujet vient de ce site

http://www.cerclealgerianiste.asso.fr/c…

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Quelque site interessant a lire concernant les Grec de Corse

En Anglais

http://www.mlahanas.de/Greece/History/M…

http://muse.jhu.edu/login?uri=/journals…

un super document sur les maniotes de corse en format acrobat en anglais

http://www.tlg.uci.edu/~opoudjis/Work/c…

Et un bouquin a lire concernant la Corse et les grecs maniotes

http://www.bibliomonde.com/pages/fiche-…

Et aussi voir sur ces liens en Anglais les lieux d origines de ces corses grecs du Peloponese

http://www.helleniccomserve.com/maniath…

Et de ce qui reste en Corse des premieres eglises grecques faites par ces maniotes

http://dolmenhir.ifrance.com/histoire.h…

Et pour finir pour plus d information renseignez vous a cette association

ASSOCIATION CARGESE VITYLO
Thalassa, plage du Pero
20130 Cargese

Tres bonne lecture

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Kalispera,

J'ai appris par hasard en surfant sur le net qu il existait une communaute dorigine grecque en corse. Puis en aproffondissant je suis tombe sur ce site. Une histoire tres touchante !!!!! J en avais les larmes aux yeux. J'ai toujours etait tres fier d'etre grec je crois qu a Cargese vous devez etre aussi tres fiers de vos origines et de votre passe.

Merci pour ces informations.

Geia sou.

Kalaitzis Fivos.

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Soumis par Albert Papadacci (non vérifié) le

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le texte"chronologie" racontant l'arrivée des Grecs à Cargèse a été écrit en 1965 par mon Grand-Père: Jean Félix Papadacci, il est original qu'un Garidacci, s'approprie ce texte au point d'en changer la teneur et de mettre son propre patronyme,je cite:[b]"les noms en remplaçant la finale "AKIS" par "ACCI" . exemple : GARIDAKIS est devenu "GARIDACCI".[/b]alors qu'à l'origine c'était le nom de notre famille(Papadacci) qui avait été mis.Je tiens à votre disposition l'original de ce texte et me ferais un plaisir de vous le faire parvenir.Dont acte.
cordialement
Albert Papadacci

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Bonjour,
Votre surprise est compréhensible... mais comprenez la mienne qui croyait que cette histoire avait été écrite par Elie PAPADACCI...

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Xairetai,

Moi aussi ca m'interessarait de lire cet original si c'est possible.
Les grecs de Corse ont une histoire formidable, (remarque tous les Grecs ont d une facon ou d une autre une histoire formidable).

Efxaristo

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Bonjour albert

Je suis un cousin à toi car j'ai beaucoup de Papadacci dans ma famille
d'origine de Cargèse, ma mère est une Voglimacci, je fais aussi mon arbre généalogique.
Si tu pouvez me faire passer le document original aussi cela serait super.
En te remerciant beaucoup
Jean-Claude

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Bonjour,

Je m'apelle Julie Regazzacci Stephanopoli, je travaille actuellement sur l'histoire de ma famille.

Vous serait-il possible de me transmettre le document original sur notre histoire.

Cordialement,

Julie

 

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